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Historique

En Belgique, comme dans d’autres pays, les premières pratiques de médiation entre auteurs et victimes ont été initiées au sein de la justice des mineurs.1

Du côté francophone, dans le milieu des années quatre-vingt, des associations ont été financées, puis agréées par la Communauté française pour organiser auprès de mineurs délinquants des mesures de « prestations éducatives ou philanthropiques »2, conçues généralement comme des activités au profit de la collectivité. Certaines associations, souhaitant ouvrir une perspective réparatrice au sein du système judiciaire des mineurs, ont choisi d’utiliser l’espace juridique de cette mesure pour amorcer également des processus de médiation entre auteurs et victimes.

Au début des années nonante, l’a.s.b.l. « GACEP », le service de prestations éducatives ou philanthropiques de Charleroi a commencé à développer plus systématiquement cette procédure avec le souci particulier de ne pas la circonscrire à la gestion de petits délits. Cette expérience a permis de confirmer l’hypothèse que la médiation dans le champ pénal permet d’ouvrir un espace de communication fort utile entre les parties, même à la suite de faits extrêmement graves.3

Du côté néerlandophone, on pouvait observer une évolution analogue dans l’arrondissement de Louvain. Le « Bemiddelingdienst Arrondissement Leuven » avait aussi une histoire ancrée dans des expériences « réparatrices » avec des mineurs. Cependant, dès 1993, ce service a pu franchir une étape ultérieure en mettant en place une expérience pilote sur la faisabilité et l’opportunité de la médiation dans des faits plus graves impliquant des auteurs majeurs renvoyés devant le tribunal correctionnel.

En 1998, la convergence de sensibilité entre ces deux associations a permis d’inscrire leur expérience respective dans le cadre d’un « projet national » tel que défini par l’arrêté royal du 3 octobre 1994. Cet arrêté définit les conditions d’octroi de subventions pour des projets permettant de développer des réponses alternatives et innovantes dans le champ pénal.

En Flandre, ce projet national a gardé le nom de «Herstelbemiddeling », attribué à l’expérience déjà en cours à Louvain. Pour ses promoteurs, ce nouveau statut leur permettait d’exporter cette expérience dans les autres arrondissements judiciaires néerlandophones.

Du côté francophone, en référence aux limites de la loi de 1994 sur la procédure de médiation pénale, le projet national a pris le nom de « Médiation après poursuites ». Ici, il s’agissait de s’appuyer sur l’expérience acquise auprès de mineurs, de l’appliquer aux justiciables majeurs au départ de l’arrondissement judiciaire de Charleroi et de l’exporter ensuite dans d’autres arrondissements judiciaires.

En 2000 l’asbl « GACEP », devant limiter ses compétences dans le secteur de l’Aide à la Jeunesse, transfère la gestion des activités de médiation impliquant des majeurs à l’asbl « MEDIANTE : Forum pour une Justice Restauratrice et la Médiation », afin d’assurer un cadre institutionnel plus approprié et un meilleur support scientifique et méthodologique.

En Flandre, l’association « SUGGNOME : Forum voor Herstelrecht en Bemiddeling » était créée pour assurer ce rôle d’organisation support aux programmes de médiation néerlandophones.

Dès le début de son financement par le SPF Justice en 1998, le projet national de médiation après poursuites  s’était assigné comme objectif principal d’ « ouvrir une véritable perspective réparatrice tout au long de la procédure pénale traditionnelle, qui mobilise au mieux et à tout moment les capacités des intéressés dans la recherche d’une solution négociée. »

Jusque là, les seules possibilités de négociation entre auteurs et victimes, offertes par la loi de 1994 sur la médiation pénale, n’étaient conçues qu’en termes d’alternatives aux poursuites à l’égard de l’auteur et pour des faits de moindre gravité. Or, il est évident que les conflits, tensions, et ressentiments entre les parties ainsi que les possibilités de les traiter de manière consensuelle, ne disparaissent pas du simple fait qu’une action publique est mise en mouvement.

En un premier temps, la priorité du projet a donc été d’offrir aux parties des possibilités de communication et de concertation tout au long de la procédure, généralement avant le jugement. A ce stade, la médiation permet une gestion concertée des préjudices financiers et moraux consécutifs au délit, débouche régulièrement sur la conclusion d’accords écrits qui, à leur tour, permettent le prononcé de décisions judiciaires plus satisfaisantes pour les deux parties.

Cependant, dès la première année d’application du projet, il se confirmait de plus en plus que cette offre de médiation ne pouvait pas non plus être circonscrite au stade de « l’avant jugement » et réservée à des auteurs non incarcérés. Les demandes croissantes de médiations formulées directement par des justiciables, prouvaient que les besoins de communication et les opportunités de réparation et d’apaisement entre auteurs et victimes persistent au-delà du jugement et de la condamnation.

Ce constat a pratiquement coïncidé avec le début d’un mouvement visant à promouvoir une justice réparatrice en milieu carcéral. Cette initiative, soutenue au départ par le Ministère de la justice, a débouché sur la création de la fonction de consultant en justice réparatrice dans pratiquement tous les établissements pénitentiaires. Une des missions de ces consultants consiste à répertorier et modéliser des collaborations avec des services ressources externes pouvant intervenir dans les différents domaines impliquant la relation entre les détenus et les victimes (indemnisation, sensibilisation, médiation…).

En raison de son objet social et de sa pratique de médiation au sein du projet national de « médiation après poursuites », l’asbl Médiante a été identifiée comme un service ressource pouvant gérer spécifiquement des médiations impliquant des détenus. L’association a choisi de s’investir dans cette voie et d’encourager une extension officielle de l’offre de médiation en milieu carcéral.

En 2000, les premières médiations entre détenus et victimes étaient organisées au sein de différents établissements pénitentiaires.

Ce développement ultérieur du projet a permis de révéler des enjeux très importants, et parfois inattendus, de la médiation au stade de l’exécution de la peine. D’une part, il a confirmé la nécessité de prendre en compte des besoins spécifiques de communication et, d’autre part, il a mis en lumière l’apport essentiel de la médiation dans l’élaboration de conditions de libération à la fois plus satisfaisantes pour les victimes et plus gérables pour les auteurs.

En 2005, le bilan de sept années de l’expérience pilote a été reconnu comme suffisamment concluant pour encourager l’élaboration d’un cadre légal qui officialise l’intérêt de la médiation à tous les stades de la procédure pénale.

Les principales orientations méthodologiques et déontologiques élaborées au cours de cette expérience ont été confirmées par la loi du 22 juin 2005 introduisant des dispositions relatives à la médiation dans le Titre préliminaire du Code de Procédure pénale et dans le Code d’Instruction criminelle. Cette loi est entrée en vigueur le 1er janvier 2006 avec l’application d’arrêtés royaux, définissant les conditions d’agrément des services et la constitution d’une commission de déontologie.


Le 10 mars 2006, par arrêté ministériel, « Médiante » et « Suggnomè » sont agréés en tant que services de médiation visés à l'article 554, § 1er, du Code d'instruction criminelle.

  1. Actes de journée d’étude du 1er décembre 1999, « La médiation auteur - victime dans la justice des mineurs.
    Réflexion à partir de trois expériences en Communauté française », revue Mille Lieux Ouverts, n° 24, avril 2000.
  2. Mesure prévue à l’article 37.2b de la Loi de 1965, relative à la Protection de la Jeunesse.
  3. Antonio BUONATESTA, « Médiation et service à la communauté dans le cadre de la loi du 8 avril 1965. Ebauche paradoxale d’un modèle réparateur », Mille Lieux Ouverts, n° 19-20, décembre 1997, p. 57-78.